
1km qu'il me cassait les burnes à se traîner la bite à 70 pour 90.

Arrivé à la double voie, je commence à dépasser. Mais là, vieux schnoque pas content, il appuie sur la pédale à fond pour m'empêcher de le doubler. Son mazout crache alors un épais nuage de carbone digne des premières locomotives à vapeur.

Ni une ni deux, j'y vais pas par quatre chemins : comme ça grimpe sec, je sors la cinq, engage la trois, et moi aussi j'appuie à fond. Paf je monte à 5500 rpm, je remet la quatre, retour à 4300 rpm, ça continue de pousser. Vieux schnoque se rend compte que je commence à gagner de la distance, avec la six en prise, en montée raide, son mazout en chie comme un rat mort pour prendre de la vitesse malgré la débauche de cylindres et l'énorme quantité de fioul qu'ils avalent.

Il décide lui aussi de tomber un ou deux rapports, pour gagner en couple et en puissance, la disparition de l'épais nuage de fumée noire trahit le désengagement du sixième rapport. Mais le vieux schnoque, probablement atteint d’Alzheimer ne se souviens plus dans quel logement mettre le levier, il lui faut bien une seconde et demie pour trouver l'emplacement dans lequel l'insérer. La réapparition du cumulonimbus - que Mme Dhéliat mentionnera certainement le soir avant le JT - à l'arrière de son mazout indique qu'il a enfin remis les gaz.

Mais il est trop tard pour le vieux schnoque. Le temps qu'il mis à changer de rapport de boîte m'a permis de passer largement devant lui, remettre la cinq en prise et commencer le retour progressif de 4200 rpm à une vitesse de croisière politiquement correcte, c'est à dire 2800 rpm.

Mais attention, l'histoire de termine pas là, car 500 mètres plus loin, il y a un autre segment de 2x2 voies! Vieux schnoque me colle désormais au cul, enragé de s'être fait laminer comme une merde par une Peugeot deux fois moins puissante que son mazout allemand.

Pour ce second épisode, je décide de m'amuser un peu. Vieux schnoque est du 75. Il ne connaît donc probablement pas la région, et par là même ce qui se cache à 500 mètres de là, juste après la fin de la 2x2 voies, dans l'ombre sournoise d'un antique pont ferroviaire.

Nous voilà donc au départ du nouveau segment de 2x2 voies. Vieux schnoque serre à gauche immédiatement, mais a décidément des soucis de mémoire. 800 mètres plus tôt, son mazout lui a montré qu'à 1100 rpm en montée il laisse partir la moitié du fioul, imbrûlé, dans le collecteur. En plus, cette fois il est derrière moi, soit un handicap de 10 mètres, là ou il était avantagé de 30 mètres à l'essai précédent.

Bref, pendant qu'il reluque la notice à la recherche du bon rapport de boîte à utiliser, j'en profite pour remettre le rapport numéro trois en prise et faire chanter le VTi. Mais j'y vais un peu moins fort. Le tronçon se resserre à 300 mètres, de l'autre côté de la montée, et cette fois je compte lui laisser sa chance. Je me contente de maintenir mon avance de 10 mètres sur le vieux croûton. Chose aisée puisque ledit croûton ne sait pas se servir de plus du quart de son écurie.

A 50 mètres de la fin de la 2x2 voies, je lâche les gaz. Vieux croûton passe de nouveau devant moi, moins de 800 mètres après s'être fait humilier en public. La pente s'est alors inversée, le mazout du légume se sent revivre, aidé par les lois de la relativité générale, et prend alors de la vitesse à un rythme tel que le vieux détritus a dû se sentir rajeunir du slip un court instant... Un court instant?

Oui, un court instant. Car à l'instant précis de la victoire de l'Audi face à la Peugeot, je passais devant un élément décoratif routier, de forme circulaire, blanc, cerclé de rouge, au sommet d'un mât de section rectangulaire en acier galvanisé, et comportant une indication numérique à l'usage des automobilistes. 70. Telle est la valeur inscrite d'un noir profond au centre du disque métallique.

Mais là n'est pas l’œuvre la plus intéressante de la visite. La pièce noble se trouve un peu plus loin. Là, la forme circulaire et plate laisse place à un objet de forme parallélépipédique, plus massif, dont les arêtes rectilignes et anguleuses tranchent dans un pur style 21ème avec les formes douces et harmonieuses de l'arche en pierres de taille du pont ferroviaire situé juste à ses côtés. Cet objet magnifique est orné sur l'une de ses faces d'un superbe vitrail composé de trois panneaux de verre transparents, rectangulaires. D'un gris/vert du plus bel effet, la face au vitrail est bordée d'une somptueuse bande hachurée jaune et noir, le long des arêtes latérales et supérieure. Cet objet est parfois animé de vie. Et en cette belle soirée, l'objet va renaître une nouvelle fois, tel un phœnix.

Le vieux débris, alors surexcité à l'idée de m'avoir vaincu, est alors à une vitesse proche des 150 km/h. Si sa mémoire flanche, il a encore quelques dixièmes dans les yeux. L'objet de style 21ème semble subitement attirer son attention. D'un réflexe dont je n'ai pu quantifier la rapidité, son pied droit vient enfoncer la pédale de freins. Mais il est déjà trop tard. Quelques dixièmes de seconde après l'allumage des feux à LEDs de son Audi, une intense lumière jaillit du vitrail de l'objet précité, illuminant un bref instant le paysage, avant de disparaître aussi rapidement qu'elle n'est apparue.

Il reprendra alors sa vitesse de croisière originelle, puis traversera le village suivant à la même vitesse de 70 km/h, prenant alors un peu d'avance. Je finirai par le rattraper peu après la sortie de l'agglomération. Mais il ne m'emmerdera plus. Car il est temps pour moi de tourner à gauche, je laisse ainsi filer le schnoque, seul, en direction de sa résidence, dont l'adresse est en cours d'impression quelque part dans les environs de Rennes
